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La Providence et... la Grâce prédestinant à l'Amour : regards croisés de Georgette Blaquière et France Quéré (4/4)


Avant-propos et rappel du contexte de rédaction


Après La Providence et... la Danse du Destin : Chance, Fortune, Fatalité, libre-arbitre (1/4), puis La Providence et... la bonne fortune avec Hildegarde de Bingen (2/4), et La Providence et ...l'éloignance, avec Mechtild de Magdebourg (3/4), voici le quatrième et dernier article de la série concernant la Providence au regard de quelques théologiennes : La Providence et... la Grâce prédestinant à l'Amour : regards croisés de Georgette Blaquière et France Quéré (4/4).



Cet écrit n'est pas une dissertation académique, mais plutôt une introduction à la réflexion philosophique et théologique. Son objectif est d'inviter à une exploration des concepts de la chance, de la fortune, de la fatalité et de la Providence divine, tout en abordant la question du libre arbitre. Il vise à rendre ces sujets accessibles à un large public, sans sacrifier la profondeur de la réflexion. Pour des articles plus savants, vous pouvez consulter la section "Réflexions" de mon blog.



Introduction


Georgette Blaquière (1921-2012) (1), éminente théologienne catholique française, a consacré une part significative de son œuvre à explorer les liens profonds entre la Providence divine et l'amour. Dans cet article, je me pencherai particulièrement sur son ouvrage L’Evangile de Marie et sur la vision de la Providence qu'il suscite en moi.


France Quéré (1936-1995) (2), théologienne protestante française de renom, propose quant à elle une perspective contemporaine sur la Providence et la grâce. À travers une lecture parallèle de son ouvrage Marie et de celui de Georgette Blaquière précédemment mentionné, une piste d'interprétation commune semble se dessiner.




La Salutation de l'Ange à Marie ...et nous ! Une Approche éclairée par Georgette Blaquière et France Quéré


La rencontre entre l'ange Gabriel et la Vierge Marie, telle que décrite dans les évangiles, constitue un moment emblématique de l'histoire chrétienne. L'analyse croisée des regards de Georgette Blaquière et France Quéré de cette salutation, et notamment du terme grec "kekaritomenê" utilisé pour qualifier Marie, offre une fenêtre fascinante sur la conception de la Providence et de la grâce dans la théologie chrétienne.


Dans cette scène, l'ange adresse à Marie une salutation singulière et la nomme : "comblée de grâce" (Luc 1:28). Le mot grec "kecharitōmĕnē" dérive de "charitŏō" qui signifie gracié (qui a reçu une grâce) ou encore qui a été rendu agréable/acceptable". Dans le contexte de la salutation de l'ange à Marie, ce terme est traditionnellement traduit par "comblée de grâce" ou "pleine de grâce". Cependant, sa signification va au-delà d'une simple expression de politesse ou de compliment. Il implique une notion de faveur divine particulière, soulignant le caractère exceptionnel de Marie et sa relation privilégiée avec Dieu. Dans le texte grec, il s'agit d'un titre adressé à Marie.


Pour autant, cette grâce ne s’est pas arrêtée à Marie comme l’explique France Quéré :  


La grâce qui lui est faite est pour nous tous : c’est même elle qui, par le sacrifice de son fils, en touchera les moindres parts. Le gracié devient le relais de la grâce [...] la grâce, la même, depuis le premier regard de l'Eternel sur une terre vide et informe [...] Coeur démesuré de Dieu qui donne et des hommes s'ils savent recevoir. (3)


Selon Georgette Blaquière se terme signifie pour tous les chrétiens que la grâce de Dieu ne tarie jamais et n’a pas de limite, que nous en ayons conscience ou non :


Au travers de ce terme, recevons le message que les dons de Dieu sont sans retour. Notre vie spirituelle est bloquée souvent parce que nous disons : Dieu m’avait donné telle grâce, je n’y ai pas répondu et Dieu a certainement repris.[…] Cela vaut autant pour le mariage. Au cœur de nos pauvres échecs humains, […] Dieu ne reprend jamais ses dons. Jamais ! Dieu simplement, poursuit sa quête d’amour, quels que soient nos chemins. Ce qu’Il nous a donné alors, Il continue de nous le proposer aujourd’hui par un autre chemin. (4)




La Grâce de Dieu et son Incidence dans nos vies ! Deux perspectives, une interprétation.


Ce double éclairage sur la nature de la grâce divine implique un impact dans nos vie et une définition singulière du dessein divin : notre prédestination à l'Amour.


France Quéré insiste sur cette universalité de la grâce, soulignant que chaque individu, par le sacrifice du Christ, peut en bénéficier. Ainsi, la grâce divine, initiée dès les premiers instants de la création, se déploie à travers le temps et l'espace, touchant chaque être humain :


L'élue entre toutes entraîne avec elle ceux qui, comme elle, attendent la pleine humanité du monde. C'est votre honneur, c'est votre liberté qui germe dans mon sein ! Marie ne parle d'elle que pour la convocation des multitudes. [...] Tout le peuple s'emporte dans le dessein de Dieu [...] Ce qui advient n'est pas seulement pour aujourd'hui, mais, et elle insiste, pour "toutes les générations", "d'âge en âge", et "à jamais". (5)


Georgette Blaquière approfondit cette idée en insistant sur la nature inépuisable de la grâce de Dieu. Pour elle, cette grâce est constante et inconditionnelle, ne connaissant ni restriction ni retrait. Ainsi, à travers les vicissitudes de la vie, dans nos erreurs comme dans nos réussites, la grâce divine continue de se déployer, nous invitant sans cesse à nous ouvrir à son action transformative.


La grâce qu'Il nous a donnée ce jour-là, n'a jamais été reprise. Remettons-nous dans la mouvance de cette grâce, dans la louange pour cette grâce-là, dans l'élan de l'amour premier [...] (6)



Cette vision de la grâce divine, partagée par Blaquière et Quéré, résonne comme un appel à la confiance et à l'espérance. En reconnaissant la générosité infinie de Dieu et en acceptant la constance de sa grâce, les croyants sont invités à une profonde intimité avec le divin, guidés par la certitude que rien, ni personne, ne peut épuiser l'amour divin.



Conclusion sur cet article et la série.


Dans le vaste panorama des conceptions de la Providence divine, des figures telles que Hildegarde de Bingen et Mechthild de Magdebourg nous ont légué des perspectives profondément enracinées dans le Moyen Âge chrétien. Leurs visions, bien que marquées par leur contexte historique et culturel, peuvent inspirer la réflexion théologique actuelle.


Toutefois, le passage des siècles a donné naissance à de nouvelles voix, telles que celles de France Quéré et Georgette Blaquière. Leurs conceptions respectives de la Grâce se font écho et redessinent les contours de la Providence dans une perspective contemporaine.


Ainsi, alors que dans nos groupes de discussion nous avons réfléchi un mois au thème de la Providence, des questionnements ont abordé la prédestination et le déterminisme dans nos vies. France Quéré et Georgette Blaquière nous démontrent que nous sommes prédestinées à être aimés et aimants, dans le respect total de notre liberté de recevoir cet Amour et d'aimer à notre tour.








 

Sources

(1) Pour découvrir Georgette Blaquière : https://www.lesamisdegeorgetteblaquiere.fr/

(3) France Quéré, Marie, Editions Desclée de Brouwer, 1996, p. 54.

(4) Georgette Blaquière, L'Evangile de Marie, Editions du Lion de Juda, 1986, p. 23.

(5) F. Quéré, ibid., p. 60

(6) G. Blaquière, ibid., p. 24

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