Avant-propos et rappel du contexte de rédaction
Après La Providence et... la Danse du Destin : Chance, Fortune, Fatalité, libre-arbitre (1/4), puis La Providence et... la bonne fortune avec Hildegarde de Bingen (2/4),
voici le troisième article de la série concernant la Providence au regard de quelques théologiennes : La Providence et ...l'éloignance, avec Mechtild de Magdebourg (3/4).
Cet écrit n'est pas une dissertation académique, mais plutôt une introduction à la réflexion philosophique et théologique. Son objectif est d'inviter à une exploration des concepts de la chance, de la fortune, de la fatalité et de la Providence divine, tout en abordant la question du libre arbitre. Il vise à rendre ces sujets accessibles à un large public, sans sacrifier la profondeur de la réflexion. Pour des articles plus savants, vous pouvez consulter la section "Réflexions" de mon blog.
Introduction
Dans l'agitation de notre époque, nombreux sont ceux qui avouent ne pas percevoir la Providence divine dans leur quotidien. Pourtant, Mechthild de Magdebourg propose une approche intrigante en reliant l'éloignance à la Providence divine, offrant ainsi une méthode stimulante pour cultiver un lien plus profond avec le divin.
Qui est Mechthild de Magdebourg ?
Mechthild de Magdebourg, mystique chrétienne allemande du XIIIe siècle, née vers 1207 et décédée après 1282, demeure entourée de peu de détails biographiques précis. Résidant à Magdebourg, elle a rejoint un ordre de béguines, des femmes laïques consacrées à Dieu vivant en communauté tout en demeurant indépendantes. Elle est célèbre pour son œuvre mystique, "Le Livre de la Grâce d'Amour", exprimant ses expériences spirituelles et son désir ardent d'union avec Dieu. Mechthild est souvent associée à la mystique rhénane et est considérée comme l'une des grandes figures de la spiritualité médiévale, ses écrits influençant durablement la théologie mystique et la piété chrétienne.
L'interprétation de la Providence divine selon Mechthild de Magdebourg et la question de la souffrance dans l'incarnation
Mechthild dépeint la Providence comme une force gouvernant non seulement les événements extérieurs, mais aussi les expériences intérieures de l'âme. Pour elle, la Providence divine est une source de réconfort et de confiance, chaque individu étant guidé vers son destin ultime : l'union avec Dieu. Même dans des cas qui seraient jugés extrêmes par la société, comme la perte de la raison, il demeure une "une permission de Dien et une secrète disposition de sa providence" (1)
Dans ses écrits, Mechthild illustre comment la Providence divine agit à travers les circonstances de la vie pour guider les âmes sur le chemin de la transformation spirituelle et de l'union avec Dieu. Elle encourage à avoir foi en la Providence divine même dans les moments difficiles, croyant en l'action bienveillante de Dieu pour ceux qui lui font confiance car "Dans cette voie l'âme est libre et vit sans tristesse ou peine de cœur, parce qu'elle ne veut rien autre chose que son maître, qui fait toute chose pour le mieux." (2)
S'il y a souffrance, elle ne provient pas d'un abandon par l'Amour divin, mais de la contingence de l'incarnation humaine, comme l'exprime Mechthild : "L'amertume du cœur vient de l'humanité, la faiblesse du corps vient de notre chair; un esprit prompt s'inspire de la noblesse de l'âme; l'horreur en face de la peine vient de votre culpabilité, les maladies du corps viennent de la nature, l'affliction et la désolation viennent de la volonté, la rareté de la consolation provient de l'inquiétude d'esprit."
L'éloignance : une démarche pour être à l'écoute de la Providence ?
L'éloignance (4) consiste à se retirer du monde extérieur pour se tourner vers Dieu de manière plus profonde et intime, favorisant une ouverture à la présence divine. Ainsi, elle facilite l'union avec Dieu, permettant à l'âme de s'immerger dans sa présence et de recevoir ses grâces et inspirations. En se concentrant sur Dieu et en se libérant des attachements matériels, l'âme devient plus réceptive aux signes de la Providence divine, reconnaissant son action dans les circonstances de la vie.
Il n'est pas aisé de nos jours de se retirer du monde, mais une "éloignance modernisée" est-elle envisageable ? Cet article propose de réfléchir à des modalités d'éloignance dans nos vies pour mieux discerner la Providence au quotidien.
Je vous laisse méditer à ce sujet : Comment puis-je me retrancher en moi, laisser les sollicitudes du monde pour un temps ? Comment puis-je regarder avec une distance acquise via l'éloignance les événements de mon quotidien et y entrevoir une Providence ? Bref, l'éloignance, adaptée, journalière, serait-elle une méthode pour lire mon quotidien sous un nouveau jour ? (5)
Conclusion
Le concept d'éloignance de Mechthild offre une voie de réflexion pour notre positionnement mental, spirituel et quotidien. Sa vision de la Providence divine comme une manifestation de l'amour inconditionnel de Dieu continue d'influencer la réflexion théologique jusqu'à nos jours.
Sources
1. La Lumière de la Divinité : révélations de la sœur Mechtilde... / trad. en français... par les pères bénédictins de Solesmes, Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, D-66102(2), consultable en ligne :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72889p/f5.itemWaltraud, p. 106.
2. Idem, p. 238.
3. Idem, p. 178.
4. Verlaguet, L’« éloignance ». La théologie de Mechthild de Magdebourg (XIIIe siècle), Peter Lang 2005.
5. Waltraud Verlaguet, Comment suivre Dieu quand Dieu n’est pas là ? - L’éloignance de Mechthild de Magdebourg (XIIIe siècle), Cerf - Sagesses Chrétiennes 2006.